LOUIS SÜE & ANDRÉ MARE
Le style 1925
Du 20 Novembre 2025 au 24 Janvier 2026 la galerie Jacques Lacoste consacre une grande exposition à Louis Süe (1875-1968) et André Mare (1885-1932) fondateurs de la Compagnie des Arts Français et précurseurs du style 1925.
À l’heure où l’on célèbre le centenaire de l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et Industriels, inaugurée à Paris en avril 1925, qui marque le triomphe et l’apogée de ce que l’on nommera plus tard le style Art déco, l’exposition présentée à la galerie met en lumière quelques unes des plus belles créations de Louis Süe et André Mare et de la Compagnie des Arts Français.
LE STYLE 1925
L’exposition de 1925 à Paris est une extraordinaire vitrine réunissant le meilleur de la création et des savoir-faire contemporains. On y découvre côte à côte les propositions luxueuses des grands décorateurs, les productions modernistes à l’esprit plus industriel des futurs protagonistes de l’UAM, ou le Pavillon de l’Esprit nouveau de Le Corbusier… Ce vaste panorama marque un moment charnière, chacun des participants de l’exposition exprime une même aspiration à la modernité faisant définitivement entrer les arts décoratifs dans un siècle nouveau.
1925 énonce les principes d’un luxe moderne porté par des techniques et des matériaux d’exception, associés à un registre de formes dont bon nombre s’inspirent d’une histoire du mobilier réinventée à l’aune du XXème siècle. Le style qui s’affirme lors de l’exposition de 1925 a lentement mûri durant la décennie précédente à la faveur du déclin de l’Art nouveau et sous l’impulsion de jeunes créateurs qui entendent bien renouveler l’univers des arts décoratifs. Parmi eux, Louis Süe et André Mare s’associent en 1919 autour d’un projet ambitieux : la Compagnie des Arts Français.
LOUIS SÜE ET ANDRÉ MARE, PRÉCURSEURS DE L’ART DÉCO
Né à Bordeaux en 1875, Louis Süe se forme à l’architecture aux Beaux-Arts de Paris. Passionné par la peinture et nourrissant le rêve d’en faire carrière, il expose aux côtés des Nabis au Salon des Indépendants de 1902. Diplômé, il monte un cabinet d’architecte avec Paul Huillard. C’est le couturier Paul Poiret qu’il rencontre en 1909 qui l’encourage à se diriger vers les arts décoratifs.
Dans sa volonté de participer à l’écriture de la modernité Louis Süe ouvre “L’Atelier Français” un magasin d’aménagement intérieur.
Né en 1885 à Argentan (Orne), André Mare étudie l’art à Paris à l’École des arts décoratifs et à l’Académie Julian. Il est remarqué pour la première fois au Salon d’Automne de 1909 où il expose des panneaux décoratifs et des reliures d’art, puis de nouveau au Salon d’Automne de 1912 où associé à Raymond Duchamp-Villon il propose la Maison Cubiste, un projet d’architecture cubiste qui fait scandale.
Louis Süe et André Mare fréquentent les mêmes cercles d’artistes et partagent une approche similaire de la modernité. Ils vont exposer ensemble pour la première fois en 1913 dans le cadre de “L’Atelier Français”. Mobilisés tous les deux en 1914, ils se retrouvent après la guerre et fondent en 1919 la Compagnie des Arts Français, une maison de décoration et d’édition installée au 116 rue du faubourg Saint-Honoré à Paris. Convaincus de la nécessité d’associer des disciplines complémentaires pour pouvoir réaliser d’ambitieux projets de décoration, ils s’entourent d’artistes et d’artisans parmi lesquels les peintres Paul Véra, Charles Dufresne, Gustave-Louis Jaulmes, Bernard Boutet de Monvel, André Dunoyer de Segonzac, le ferronnier Richard Desvallières, le sculpteur Pierre Poisson, le peintre et verrier Maurice Marinot et le dessinateur André Marty chacun restant libre de créer individuellement. Désirant créer des ensembles cohérents, ils traitent tous les aspects de la décoration : mobilier, luminaires, textiles, papiers peints, bronzes, céramiques, verreries.
De 1921 à 1927, l’activité d’architecte de Louis Süe permet à la Compagnie des Arts Français d’obtenir de prestigieuses commandes articulant projet architectural et décoration, notamment l’aménagement et le mobilier de l’ambassade de France à Washington, les cabines de luxe du paquebot Paris (1921) et le grand salon des premières classes du paquebot Ile-de-France (1927).
À Paris, la Compagnie des Arts Français signe les boutiques du joaillier Linzeler et du couturier Jean Patou. Ami de Louis Süe, Jean Patou lui confie l’aménagement de son hôtel particulier et de sa maison au Pays Basque.
Dès 1923, Süe et Mare travaillent leur projet de participation à l’Exposition Internationale des arts décoratifs et industriels de 1925, ils souhaitent y déployer un large éventail de propositions et affirmer à cette occasion leur point de vue sur la décoration.
1925 sera pour la Compagnie des Arts Français une apogée et lui vaudra une reconnaissance internationale. Elle a d’ailleurs son propre pavillon intitulé “ le Musée d’Art Contemporain” sur l’esplanade des Invalides et participe également à l’aménagement et à l’ameublement du pavillon Fontaine, de l’Ambassade française, de la boutique des Parfums d’Orsay, de la salle des fêtes du Grand Palais et du stand Pleyel.
En 1928, ils aménagent et décorent l’hôtel particulier de l’actrice Jane Renouardt à Saint-Cloud, c’est le dernier projet d’envergure de Süe et Mare qui cèdent la direction de la Compagnie des Arts Français à Jacques Adnet en cette même année.
LA CRÉATION D’UN STYLE
Lorsqu’ils imaginent la Compagnie des Arts Français, Louis Süe et André Mare sont animés par le désir de formuler un nouveau vocabulaire décoratif. Toutefois, cette volonté de changement n’est aucunement celle de faire table-rase, les deux créateurs entendent s’inscrire dans le droit fil d’une tradition française de l’ébénisterie et de l’artisanat d’art, comme ils l’affirment en 1921 dans leur manifeste intitulé “Architectures” : “Nous voudrions que n’importe quel beau meuble d’autrefois fût chez lui parmi nos meubles, qu’il y fût reçu comme un aïeul et non pas comme un intrus”.
Leurs créations vont donc puiser sans nostalgie aux sources du classicisme français. Cette inspiration n’est que le point de départ d’une réflexion approfondie sur les formes : les lignes tendent vers une simplification, les courbes s’affirment, le trait est épuré, les sièges sont enveloppants, confortables… Ce vocabulaire stylistique s’appuie sur de magnifiques essences de bois comme sur une fabrication luxueuse.
Le classicisme que l’on perçoit de prime abord dévoile toute l’ampleur d’une écriture moderne et ce style qui va nourrir les années 1930, se fait jour dès le début des années 1920 à travers les créations visionnaires de Süe et Mare et de la Compagnie des Arts Français.
En témoignent parfaitement la cinquantaine de pièces de Süe et Mare réunies par la galerie, ainsi que les consoles de Richard Desvallières créées pour la Compagnie des Arts Français.














